Au moment d’écrire ces lignes, une nouvelle télé-réalité s’annonce; elle a pour titre « Vies de rêve ». L’émission suscite déjà la controverse, car elle fait étalage de la fortune des certaines femmes de chez nous. On crie à l’indécence, en ces temps d’incertitudes économiques et de pauvreté grandissante. On les envie aussi… Beauté, excès, glamour, bonheur total : il y a de quoi être jaloux!
Je ne porterai aucun jugement ici, ni sur ladite émission ni sur le train de vie de ces dames. Tant mieux si elles réussissent et fort probablement qu’elles ont leur lot d’épreuves et de défis. La télé-réalité doit certainement servir à mieux comprendre leur vie. Et heureusement que nous avons des gens riches au Québec! On a un peu tendance à s’extasier devant les riches d’ailleurs et juger sévèrement les nôtres, alors qu’on devrait être fiers d’avoir des personnes à succès « made in Quebec ».
Bien franchement, le projet télévisuel me laisse indifférente. Je ne suis pas fan des télé-réalités. Mais sa publicité à la radio m’a fait sourire, car je me suis mise à penser à ma vie à moi. On entend l’une des protagonistes terminer la publicité en lançant « Pour moi, acheter un divan à vingt-cinq mille dollars, c’est parfaitement normal! ».
Alors que pour moi, exit les Gucci, Mercedes et loft à Miami. Pour moi ce sera des noms de magasin plus modestes, une voiture qui a déjà de l’âge, rouillée ici et là, une maison que l’on entretient à petit budget, selon nos envies et priorités. Mais il y a une chose qui rend ma vie à moi, une vie de rêve. Une chose inestimable, que pas un seul milliardaire ne possède. Je suis la seule au monde à l’avoir. Il s’agit de mon bonheur. Celui que je fais de mes propres mains. Ayant la valeur de tous les diamants de la terre, mes enfants et mon mari font de ma vie, un rêve.
Déjà, reconnaissons la préciosité de la vie humaine. Cela nous a pris presque vingt ans à pouvoir tenir un bébé dans nos bras; une famille nombreuse, on en rêvait. D’éprouvants programmes de fertilité, suivis d’un improbable coup de chance de la vie, se sont transformés en trois naissances, ainsi que la consolidation d’une vie de couple déjà épanouie.
Ma vie de rêve, c’est de me réveiller aux aurores, de préparer trois lunchs et de venir au Café, rejoindre mes clients. C’est faire un métier riche d’expériences, à quinze minutes de chez moi, sans interminables trajets sur une autoroute déprimante. C’est partager de formidables moments avec des inconnus, le temps d’une vente. C’est revenir dans ma maison douillette, le soir, éreintée, mais comblée. Ma vie de rêve, c’est de nourrir ma famille sans faim, d’écouter toutes les petites voix babiller, me raconter leur journée à l’école, puis d’entendre la voix posée de mon homme faire le récit de la sienne. Ma vie de rêve me donne la chance de côtoyer mes parents, sous mon toit, chaque jour, puisqu’ils habitent avec nous. De continuer à apprendre d’eux, à les regarder interagir avec mes oursons.
Dans ma vie de rêve, il neige, il pleut, il fait chaud et on gèle. On cherche les mitaines et on se met en retard au rendez-vous. On oublie d’acheter du lait. On rate une recette. Il n’y a pas de domestiques, ni de limousine avec chauffeur. Trop peu de grands restaurants. (Serait-ce mon seul bémol?) Un jour, peut-être, l’argent ne sera plus un enjeu. Ne plus compter au sou près. Être indépendant de fortune. J’avoue que cette liberté financière me fait rêver.
Mais riche, je le suis déjà. Je suis assise sur un trésor. J’ai tendance à l’oublier, quand les soucis prennent le dessus. Que la fatigue fait des ravages sur l’humeur, que l’énergie manque. Ou que l’argent manque. On ne se sent pas millionnaire le mardi matin, en débouchant une toilette. Je l’avoue. Mais pour moi, recevoir vingt-cinq mille bisous et « je t’aime » par jour, c’est quelque chose de parfaitement normal. Je souhaite cette richesse à tout le monde.