Tricofil tel que vécu! par Paul-André Boucher

Ce grand projet innovateur et porteur d’espoir débute en février en 1975. En 2025, commémorons le 50e anniversaire de ce « projet utopique pour des travailleurs, créer des emplois, contrôler leur milieu de travail et surtout le réinventer », comme l’écrit Jacques Grand’Maison dans la préface.

 

Paul-André Boucher, dans le livre Tricofil tel que vécu!, raconte cette belle aventure, qui ne fut pas toujours facile. Il est le principal leader de cette expérience qui a duré dix ans. L’occupation de l’usine en ’72. La corvée en ’74. L’affrontement avec le gouvernement Bourassa en ’76. Il nous fait part de ses réflexions sur le Québec. Il importe de rappeler que ce grand projet d’ingénierie sociale (1972-1982) a captivé tout le Québec, surtout avec l’arrivée du Parti Québécois au pouvoir en 1976. Plusieurs intervenants ont adossé cette nouvelle forme de travail — l’autogestion qui rendait les travailleurs fiers de leur ouvrage.

 

Les intervenants

Du côté politique, on retrouve en tête le gouvernement du Parti Québécois avec le Premier ministre René Lévesque, les ministres, Bernard Landry, membre de l’exécutif national et conseiller politique, Lise Ouimet Payette, principale porte-parole ministérielle du dossier Tricofil, Pierre Marois, conseiller juridique et Jacques Parizeau, conseiller économique. Du côté syndical, on retrouve Jean-Guy Frenette, directeur de la recherche à la FTQ et représentant de cette centrale et Paul-André Boucher, président du syndicat de Tricofil. Le chanoine Jacques Grand’Maison représente l’église de Saint-Jérôme. Jean-Louis Martel et Claude Ouellet, professeurs des H.E.C. de l’Université de Montréal, sont les intellectuels universitaires qui appuient cette nouvelle démarche.

 

La création de la Société populaire de Tricofil Inc.

En février 1975, les travailleuses et travailleurs de Tricofil décident de prendre leur avenir en mai. Le propriétaire, Grover Mills Ltd, vient de fermer l’usine, sous la pression de la mondialisation. Il voit les emplois industriels d’Amérique et d’Europe être dirigés vers les pays d’Asie qui bénéficient d’une main-d’œuvre à bon marché. Cette expérience deviendra au Québec une nouvelle forme juridique d’entrepreneuriat, de « coopératives de travailleur.euse.s actionnaire » (CTA1) en 1984. Elle est originale et mérite d’être connue par les jeunes travailleurs. Peut-être voudront-ils un jour, c’est la nature humaine, recréer une expérience semblable. Nous sommes habitués aux coopératives de consommation, tel le mouvement des Caisses Desjardins, mais les coopératives de production sont plus rares.

 

Le livre Tricofil tel que vécu! a été écrit en collaboration. C’est l’histoire de la Société populaire de Tricofil Inc. telle que Paul-André Boucher l’a racontée à Claude Ouellet et à Jean-Louis Martel des H.E.C. Le vocabulaire dénote la nouveauté de l’expérience. D’un côté, la gestion traditionnelle d’une entreprise capitaliste recherchant par-dessus tout le profit, prête à laisser tomber plus de 2000 travailleuses et travailleurs pour s’implanter ailleurs dans le monde. Et de l’autre, la fierté et le courage d’un DG qui dirige ce laboratoire de nouvelles expériences sociales, d’autogestion et de cogestion, et d’un syndicat, dont le statut est remis en question dans cette usine autogérée par les ouvriers. Tricofil pouvait-il réussir face à la mondialisation du secteur du textile?

 

L’expérience Tricofil a donné naissance aux CTA

Malheureusement, en 1980, Paul-André Boucher se retire de Tricofil. Il « démissionne comme administrateur ». L’équipe qui travaille à la rédaction du livre continue à raconter les péripéties jusqu’à la fermeture en 1982. Plusieurs des acteurs sont encore parmi nous. Jean-Pierre Contant, responsable des Ressources humaines, Gilles Broué de la comptabilité et surtout Paul-André Boucher qui est devenu un personnage légendaire de Saint-Jérôme et avec qui j’ai la chance d’échanger. La recension de deux livres de Jacques Grand’Maison sur l’expérience Tricofil suivra.