En parcourant les monts Chic-Chocs, accessibles en quittant le fleuve à Sainte-Anne-des-Monts et en roulant vers le parc de la Gaspésie, j’ai appris que toute cette région qui héberge les montagnes les plus élevées du Québec méridional en a séduit plusieurs, bien avant que je me mette à gravir ses sommets.
Le botaniste américain Merritt Lyndon Fernald s’y est rendu avec un collègue botaniste en 1906. Il était attiré par la présence de plantes qui n’avaient pas subi la dernière grande glaciation étant donné que certains faîtes élevés avaient été épargnés, laissant cette flore continuer à y être présente sans interruption. Fernald et son compatriote ont herborisé tout près d’un lac glaciaire où la vue est splendide. Les guides québécois qui les accompagnaient ont nommé cet endroit le lac aux Américains, en lien avec l’origine des deux botanistes.
Marie-Victorin vante la Gaspésie
Le frère Marie-Victorin était tout aussi fasciné par la Gaspésie et il s’y est rendu en 1923, puis en août 1940. Dans sa Flore Laurentienne, il vante les mérites de ce grand territoire, et il le fait de brillante façon : « C’est une province phytogéographique très naturelle et d’un extrême intérêt biologique. Particulièrement importante au point de vue de la flore reliquale interglaciaire est la vaste étendue des Chic-Chocs, chaîne de montagnes se maintenant à l’altitude de 900 à 1300 mètres, et qui forme l’épine dorsale de la Gaspésie. »1
Ornements dorés
D’où nous étions, au Gîte du mont Albert, la vue de la vallée nous laisse deviner une montagne perdue dans un voile de brume et de nuages. Les conifères dominent le paysage, mais les feuillus tels les bouleaux et les peupliers nous montrent leurs ornements dorés en cette fin de septembre.
Rivière à saumon
Parmi les hauts sommets gaspésiens se trouvent le mont Jacques-Cartier et le mont Albert. Et c’est la très belle rivière Sainte-Anne-des-Monts, une rivière où le saumon vient frayer, qui sépare ces deux massifs impressionnants. Un pas après l’autre, nous avons gravi quelques sommets dont le mont Albert et le mont Xalibu.
Randonnées exigeantes
Les randonnées ne sont pas faciles. Elles sont parfois expertes. Les roches sillonnent le parcours et les montées comme les descentes sont exigeantes. Entre amis, on prend le temps de s’encourager, de se dire que nous approchons du but. Si le frère Marie-Victorin y a séjourné avec les moyens du bord et si son compatriote américain Fernald en a fait tout autant il y a près de 120 ans, nous sommes capables de découvrir comme eux ces espaces grandioses qui recèlent des trésors cachés, que ce soit au niveau botanique, géologique ou écologique.
Les Tétras du Canada, sortes de perdrix des montagnes, sont bien présents en retrait des sentiers. L’orignal y est roi et maître et le caribou y a élu domicile sur les hauts sommets qui présentent la végétation habituelle de la toundra qu’il affectionne particulièrement.
Accomplissement personnel
À la fin du parcours, un grand sentiment d’accomplissement personnel me traverse l’esprit et le cœur. Profitant d’une vue absolument imprenable, observant les plantes accrochées aux parois rocheuses, écoutant les chutes bruyantes qui dévalent sur des lits rocheux, je décide de m’arrêter et je demeure assis, sans voix. Ce paysage, qui est animé d’une force vive, m’incite à contempler, pour un moment, cette nature si généreuse.
1 Frère Marie-Victorin, Flore Laurentienne, Troisième édition, Les Presses de l’Université de Montréal, page 39.