Dans son livre Roi de la Côte Nord, Yves Thériault nous raconte la vie extraordinaire de Napoléon-Alexandre Comeau qui vécut de 1848 à 1923 sur la Côte-Nord. Sans avoir reçu une éducation formelle, autodidacte, il comblait ses besoins et ceux de ses concitoyens en étant à la fois, naturaliste, médecin, sage-homme, chirurgien, franc-tireur, trappeur, pêcheur, cartographe, photographe, interprète, conseiller, navigateur, portageur, écrivain, sauveteur, télégraphiste, garde-chasse, missionnaire.

 

Il était un enfant très intelligent, qui lisait beaucoup, était très curieux, parlait l’anglais, le français, sa langue maternelle et plusieurs langues; indienne, montagnaise et abénakise. Il apprit à lire et à écrire en une année dans une école de Trois-Rivières. Il dut commencer à travailler très jeune. À douze ans, il devint garde-pêche. Dans ses temps libres, il lisait. Thériault raconte sa vie remplie de péripéties dans ce roman biographique. Un héros à connaitre. « Un homme éminent », qui aimait ses semblables.

 

Dans un pays sans médecin, toute forme d’aide pour soigner était bienvenue. Soigner ses semblables était l’une de ses tâches. Mieux vaut un homme autodidacte, pratiquant la médecine sans diplôme, que mourir. Il ne demandait jamais d’argent pour ses services. Il avait une bibliothèque médicale très enrichie. Il mit au monde trois cents enfants vivants dans sa vie de sage-homme et de médecin improvisé. À sept ans, il reçut en cadeau son premier fusil pour diminuer les inquiétudes maternelles lorsqu’il se promenait pour « emmagasiner la science de la foret ».

 

Une belle histoire de sauvetage en mer nous en dit long sur le Roi de la Côte-Nord. Parti en canot près de la côte pour chasser le phoque, il s’aperçut que le vent s’élevait, il décida avec son partenaire de revenir. C’est alors qu’il vit son beau-frère et un autre chasseur pris loin de la côte dans le « frasil » un genre de « slush » qui empêchait leur canot d’avancer. Ils allaient mourir gelés et décidèrent d’aller les aider. Le seul moyen pour avancer était de placer les canots bout à bout, le « jeu de l’échelle ». Marcher dans un des canots, placer l’autre canot devant et avancer un canot à la fois. Ils mirent quatre heures pour s’en sortir. Finalement, tous revinrent sains et saufs.

 

Napoléon-Alexandre était un grand chasseur et un trappeur. Il écrivit un livre Life and Sport on the North-Shore. La revue National Geographic Magazine publia ses observations de naturaliste. Il servit de guide aux magnats américains et participa à « cette épopée des reculeurs d’horizons ».

 

En 1926, le grand poète Nérée Beauchemin lui consacra un beau poème intitulé simplement Comeau. En 2006, Réjean Beaudin écrivit un livre sur lui : Napoléon-Alexandre Comeau, le héros légendaire de la Côte-Nord, XYZ Éditeur. La découverte de la Côte-Nord par Yves Thériault coïncida avec ses reportages sur le barrage La Manic en 1959-60 pour le journal La Patrie. Il fit le portait des Indiens et des Blancs rencontrés dans cette région où les grands projets ne manquent pas.

 

Louis Cornellier, chroniqueur littéraire du Devoir, commentait récemment les textes de Thériault : « Ce style époustouflant (nous fait connaitre) une condition humaine sous haute tension (et constitue) une exploration des grandes passions. Nous avons eu, dans nos lettres, un tel auteur et nous ne le savons presque plus ? C’est une faute, je trouve, pour une petite nation comme le Québec, de ne pas assez chérir ses véritables grands créateurs. Il est l’un des plus grands stylistes de la littérature québécoise ». N’oublions pas que dans les années 70-80, la lecture de Agaguk, était obligatoire à la Polyvalente de Saint-Jérôme. Malheureusement, la Réforme mit fin à cette belle pratique.