Le 5 octobre, la scène du Théâtre Gilles-Vigneault prenait des allures de cabaret afin de nous présenter la flamboyante Lili St-Cyr. Ce théâtre musical reflète bien la vie colorée de cette célèbre chanteuse et effeuilleuse. Encore aujourd’hui elle intrigue, car la tranche d’âge est très large parmi les spectateurs présents ce soir-là.
Parmi une distribution sans pareille, on retrouve Marie-Pier Labrecque qui incarne Lili de façon magistrale. Lunou Zucchini est magnifique dans le rôle de Sophie tout comme Kathleen Fortin en Madame Fisher. Les rôles masculins sont très bien campés par les excellents Roger La Rue, Stéphane Brulotte ainsi que Maxime Denommée. Ces derniers auront tour à tour différents personnages à mettre de l’avant. La mise en scène de haut calibre est de Benoit Landry. Il est aussi acteur et de nombreuses mises en scène télévisuelles ainsi que des conceptions musicales portent sa signature. De 2020 à 2022, il fut notamment à la direction du Cirque Éloize.
Les nuits de Montréal en bref
Lili St-Cyr, de son vrai nom Marie Frances Van Shaack, est née à Minneapolis en 1917. L’histoire nous ramène à Montréal dans les folles années 40 où le Théâtre Gayety (aujourd’hui le TNM) ainsi que le El Moroco, furent des endroits où elle se produisait. Pendant plusieurs années c’est Jimmy Orlando, l’ancien joueur de hockey des Red Wings de Détroit, qui fut le gérant du El Moroco et il eut une liaison très médiatisée avec Lili. C’est pendant cette période que le Red Light a, en quelque sorte, établi ses assises entre les rues Sainte-Catherine, Ontario et Sanguinet, sans oublier le boulevard Saint-Laurent! Ces artères furent le lieu de prédilection pour des activités jugées illicites. Le nom de Red Light ferait référence aux lanternes rouges qui se retrouvaient à l’entrée des maisons clandestines.
Une exhibition de paillettes, plumes et chansons!
C’est tout cela Lili St-Cyr et plus encore! Lorsque tous les chats montréalais étaient gris, cette femme faisait courir les foules par son audace. Elle bouleversera la destinée de Sophie qui est chanteuse au Théâtre Gayety. Elle souhaite que son fiancé Thomas (Maxime) et gérant de cet établissement lui offre sa chance. Lili convaincra Richard (Roger) le propriétaire, afin qu’elle devienne la tête d’affiche pour présenter un spectacle assez particulier. Elle sera nue dans sa baignoire remplie de bulles et afin de ne pas contrevenir à la loi qui stipule « une artiste ne peut quitter avec moins de vêtements qu’elle en avait en arrivant », elle se rhabille lentement et elle termine sa prestation en étant vêtue. Ainsi l’ordonnance n’est pas enfreinte, car Madame Fisher, la première femme élue à la ville de Montréal, se charge de faire respecter ce règlement.
Lili est très populaire et Jimmy (Stéphane) usera de différents stratagèmes afin de pouvoir présenter Lili au El Moroco. Sophie ira jusqu’à aller se produire à ce dernier endroit afin de prouver à Thomas qu’elle a du talent elle aussi. Lorsqu’elle interprète L’accordéoniste qui fut proposé à Piaf en 1940, Sophie (Lunou) nous démontre son immense talent de chanteuse. Il s’en suivra plusieurs situations où tout sera matière à des prestations de danses et de chansons qui se retrouvent sur l’album, disponible après la représentation. Les artistes nous offrent un beau clin d’œil en interprétant Les nuits de Montréal. Cela nous ramène à l’époque des Jacques Normand, Jean Rafa et plusieurs autres qui se produisaient notamment à la légendaire boite de nuit Au Faisan Doré.
Une fiction très réaliste
Revisiter le parcours tumultueux de Lili St-Cyr en comédie théâtrale est tout un défi que ces acteurs ont relevé avec brio. Que de talents réunis sur une même scène où tout est synchronisé à la perfection pour cette soirée aux allures de burlesque. Ainsi, vers la fin du spectacle, lorsque Roger La Rue y va de quelques pas de danse à claquettes, il nous démontre un étonnant savoir-faire. À travers son interprétation de Lili, l’actrice qu’est Marie-Pier a su apporter un côté défenderesse face à la réalité des femmes qui doivent protéger leurs droits au moment par exemple de signer un contrat, etc. Car la populaire effeuilleuse avait beaucoup de détermination et elle se battait pour réaliser ses rêves. Quelques 80 ans plus tard, elle aurait pu être une figure inspirante pour la gent féminine d’aujourd’hui. La pièce se termine avec un éclat de bouchon de champagne, la boisson préférée de Lili et aussi pétillant qu’elle. Les comédiens reçoivent une ovation bien méritée pour cette superbe prestation.
Par la suite, il y a eu un échange entre les artisans et le public, animé par Lucie Tremblay, médiatrice culturelle.