Nous n’irons plus au lac

 

Nous avons tous vécu des situations désagréables qui nous font bifurquer de nos habitudes. Par exemple, nous changeons trajet et heure de départ parce qu’on en a marre de la lourdeur de la circulation sur l’autoroute 15 Sud, entre Mirabel et Boisbriand, entre 6 et 8 heures. Assez précis, non? Personnellement, ce trajet Saint-Hippolyte/Laval m’a grugé tellement de temps que j’ai quitté mon emploi. Non, mais presque quatre heures de trajet par jour!

 

Il y a aussi des sorties que nous délaissons. Le cinéma qui coûte 90 $ pour la famille. Le restaurant de grande chaîne qui nous nourrit avec de mauvais ingrédients, dont le goût n’est plus ce qu’il était, où l’aspect dudit hambourgeois laisse clairement à désirer, où le service n’est pas toujours à la hauteur, mais où la facture reste exorbitante pour cinq bedons affamés.

 

Se rendre à la plage

Bien que nous bénéficiions, chez nous, d’un accès notarié au lac de l’Achigan, cela fait deux ans que nous avons cessé d’en profiter. Un lac d’une grande beauté; quel dommage! Nous demeurons à cette adresse depuis une vingtaine d’années; jadis, l’été se passait au bord de l’eau. On remplissait notre glacière, on s’entourait de nos serviettes de plage, badigeonnés de crème solaire et on avançait sur le bord de la route. Nous habitons sur le chemin du lac de l’Achigan. Alors avant d’arriver au paradis, nous devons traverser le chemin du lac de l’Achigan. Vous savez? Là où la limite de vitesse est « 50 »?

 

Alors nous nous arrêtions sur le bord de la route, tenant fermement les petites menottes de la marmaille excitée, et nous regardons à gauche, puis à droite… Personne! Allez! On peut traverser! Mais juste au cas : encore à gauche, puis à dr….. VVVVRRROOOUUMMMMMM. Une voiture à toute vitesse. Très peu roulent à « 50 » devant chez nous. La peur que mes enfants soient frappés de plein fouet nous a convaincus de nous installer une piscine et, au diable la plage!

 

J’ai ainsi, au gré des années, abandonné de petits plaisirs. Fort heureusement, je m’en suis trouvé d’autres et ma nouvelle vie Chez-Hippolyte-Café & Boutique + Cinéma maison + Piscine me comblent. Il faut parfois vivre une déception pour découvrir de nouveaux bonheurs.

 

Mea culpa

À l’inverse, je me suis récemment retrouvée dans le rôle du commerce abandonné. Cette chronique me donne donc l’opportunité de faire mon mea culpa. J’ai récemment vécu la désagréable situation où les clients sont ressortis déçus et frustrés de chez moi. Certes, je compte sur les doigts de ma main les mauvais commentaires que je reçois, en personne ou par les médias sociaux. Donc lorsque cela arrive, je suis touchée.

 

Cependant, je repense à cette dame qui a marché vers la sortie en me disant qu’elle irait acheter son café ailleurs, car « le respect et l’attitude envers le client, c’est important! ». Je n’aurais sans doute pas dû, mais je lui ai répondu que le respect, ça se faisait dans les deux sens. Je n’ai pas aimé le fait que cette dame me parle à moi en même temps qu’à son téléphone, qu’elle me commande quelque chose qui n’est pas possible et que je ne parvienne pas à le lui expliquer, car elle parle au téléphone sans me regarder. J’ai haussé un peu la voix pour me faire entendre. Je n’aurais pas dû. Les employé.e.s derrière le comptoir, qui portent le tablier et le filet, ne sont pas des esclaves. Nous méritons un « bonjour » et un contact visuel. Mais j’ai mal réagi et j’ai forcé cette dame à se trouver un autre café. Pour cela, j’en suis désolée.

 

Tout comme cette autre cliente, la seule m’ayant octroyé une mauvaise note sur les Avis Google. Je n’ai pas été surprise de voir qu’elle ne m’avait laissé qu’une étoile. Car dès qu’elle est sortie de la boutique, ce matin-là, je savais. C’était un mauvais matin. J’étais en retard, désagréable, irritable au possible. Rien ne fonctionnait, tout allait tout croche. J’aurais voulu ne pas être là. Et tout mon mal-être a été déversé sur cette charmante cliente, la première de la journée.

 

Je répète régulièrement à mes employé.e.s qu’aucune tâche n’est plus importante que de servir le client. Aucun ménage, aucun inventaire; le client est notre raison d’être, il paie loyer et salaires. Il doit être notre priorité. Ce matin-là, je me serais congédiée moi-même. Je regrette d’avoir manqué de jugement et qu’à cause de cela, cette dame s’est dit « je n’irai plus Chez Hippolyte Café&Boutique ».

 

Mais qui sait

Peut-être qu’un jour je retournerai me baigner dans mon lac si paisible. Peut-être que cette dame reviendra m’acheter des croissants. Je serai alors ravie de la servir comme il se doit.

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