L’artiste Gérald Lamoureux expose dans la salle multifonctionnelle de la bibliothèque jusqu’au 2 juin. Naturelles regroupe des œuvres à l’acrylique qui proviennent de trois séries : Naturelles, mais aussi Les Inséparables et Faintaisies d’un psy.
« Je ne suis pas un plasticien des années 50, je suis un plasticien de 2020! », précise-t-il tout de go.
Il enchaîne. Le mouvement des Plasticiens a pris forme chez des peintres québécois qui prônaient un retour à une forme mieux ordonnée et plus contrôlée de la peinture. Ils produisaient des toiles essentiellement abstraites et non figuratives. Dans leur Manifeste1 de 1955, ils déclaraient « les Plasticiens s’attachent avant tout, dans leur travail, aux faits plastiques : ton, texture, couleurs, formes, lignes, unité finale qu’est le tableau, et aux rapports entre ces éléments.»
Gérald Lamoureux a adopté cette approche plasticienne. Il peint des contours bien délimités et utilise des couleurs contrastées. Mais il voulait créer du neuf. Ce qui l’a amené à produire un bon nombre d’oeuvres d’abstraction figurative. C’est ce qu’il nous offre dans cette exposition.
Technique
« Même si je suis un plasticien, je n’ai aucune idée de ce que va donner mon dessin lorsque je le commence », explique-t-il.
Il dessine ses toiles au crayon. Il commence par une forme, puis en ajoute d’autres. « J’improvise au fur et à mesure que je dessine. » Il consacre souvent plusieurs jours à ce travail préparatoire. Déjà, à cette étape, il entrevoit les coloris qu’il utilisera dans sa peinture.
Au début, il faisait ses cercles au compas. Ce qui, avoue-t-il, ne favorisait pas l’éclosion de nouvelles idées. Maintenant il utilise des objets. Il s’est déjà servi d’un cerceau de hula hoop et d’un couvercle de poubelle pour tracer ses plus grands périmètres. La manipulation de gabarits lui permet plus facilement de tailler de petites lanières de ruban cache pour protéger les formes rondes qu’il peint. « À la fin, il y a toujours de la peinture qui finit par passer quand même. Je repasse finement avec un petit pinceau. »
Les couleurs vives et éclatantes s’opposent et se rejoignent dans une complémentarité qui n’est pas académique, précise l’artiste. « Je manie les couleurs de façon très spontanée. Je ne m’interroge pas à savoir si elles sont complémentaires, tout ce que je sais c’est que ça qui marche bien ensemble. »
Dans cette exposition, on retrouve une approche expressive de l’abstraction, à la fois poétique et conceptuelle. La couleur s’exprime avec une vigoureuse éloquence. De plus, cet artiste passionné n’hésite pas à nous confier des pans de sa vie à travers les histoires que racontent ses peintures.
Naturelles
Cette série constitue le coeur de l’exposition. La plupart des toiles nous transportent dans un boisé. « Je me trouve dans un sentier qui monte graduellement vers un lac.» L’artiste badine « Je suis un pêcheur et on va loin pour aller à la pêche! » Dans ses paysages, un lac s’entrevoit entre les arbres et se profile à l’horizon. Les arbres aux feuillages anguleux ou circulaires rapetissent graduellement créant ainsi un effet d’éloignement. Tout en haut apparaît l’eldorado du pêcheur : le lac rêvé, poissonneux à souhait. Les teintes de bleu serpentent au rythme des courants. Des nuances de mauve chatoient sous le soleil.
Les Inséparables
Cet triptyque est une allégorie qui témoigne de la fin de vie et du décès de son père. « Au centre, Sur le carreau, un tableau qui représente, pour moi, un homme fort qui a travaillé avec son corps toute sa vie et qui, là, se retrouve amoindri par un cancer. À gauche, un médecin se demande s’il continue la chimiothérapie. À droite, un autre médecin songe à l’opérer. » Ces deux toiles portent des titres quelque peu ésotériques mais qui s’avèrent révélateurs : à gauche, Harius – Ta vie s’écoule goutte à goutte, à droite, Zarius – La vie finit en queue de poisson. Les scènes sont campées dans un espace qu’on peut regarder sans déceler de perspective… puisque la mort a emporté son père.
Fantaisies d’un psy
Pourquoi Faintaisies d’un psy? Gérald Lamoureux est psychologue. À titre de clinicien, il a aussi reçu nombre de clients dans son cabinet. « Ils m’expliquaient leurs problèmes puis me demandaient si ça pouvait se régler », explique le peintre psychologue. Ce questionnement l’a incité à faire des tableaux qui peuvent être regardés d’un côté comme de l’autre: ce qu’on était et ce qu’on est devenu; ce qu’on est et ce qu’on voudrait être. Une thème qu’il a souhaité traiter avec légèreté..
Un peintre multimédia
Gérald Lamoureux ne se limite pas à peindre à l’acrylique. Il a a réalisé assez de toiles pour mener trois expositions en parallèle, une de peintures à l’huile, une de pastels et une deuxième d’acryliques. Il utilise également les techniques mixtes.
Il a aussi créé des mosaïques qui peuvent aisément être confondues avec des céramiques. Elles sont réalisées à partir de pigments de couleurs apposés sur des couches de résine diluée.
Consulter son portfolio, c’est découvrir l’éclectisme de ses moyens d’expression. https://www.geraldlamoureux.ca/
L’artiste entreprend toujours plusieurs oeuvres en parallèle. Il passe d’un type de peinture à l’autre. « J’ai beaucoup plus d’idées de toiles à faire que j’ai de temps disponible pour les faire », conclut celui qui se dépeint lui-même comme un hyperactif.
- Extrait du Manifeste des plasticiens – signé à Montréal le 15 février 1955.