Nous sommes en 1964. Nous regardons en famille une émission sur le Cardinal Léger qui revient d’Afrique. Mon père, ma mère, ma sœur Francine, moi et les autres frères et sœurs, sommes très attentifs. J’ai 14 ans et Francine, 22.
Le Cardinal nous raconte son voyage en Afrique à titre de Cardinal, et son périple au Malawi. Il a visité des léproseries supervisées par les Sœurs blanches d’Afrique. Des religieuses dévouées et travaillantes qui donnent sans compter des soins quotidiens aux lépreux dans ces dispensaires assez rudimentaires à l’époque. Et le Cardinal, en fin d’émission, demande tout bonnement des bénévoles pour aller là-bas aider ces malheureux. Tout en écoutant cette demande, ma sœur Francine élève un peu la voix et dit à mon père « Papa, moi je veux y aller! » Mon père, dans toute sa sagesse, regarde sa fille et lui répond que, oui c’est une belle offre que tu fais là, mais non, sûrement que tu n’y penses pas vraiment.
C’est un départ!
Alors Francine répond qu’elle est très sérieuse et qu’elle va appeler le Cardinal. Ce qu’elle fit dans les jours suivants. Le Cardinal, un peu surpris, l’a rencontrée, lui a fait part de l’immense travail à faire auprès de ces malades et que de toute façon, il ne pouvait pas payer son billet d’avion. Cela ne l’effraie pas! « Je vais vendre ma petite auto et j’ai des connaissances en infirmerie. Laissez-moi y aller », souffle-t-elle dans un élan d’enthousiasme. Alors le Cardinal s’est laissé « attendrir » devant cette jeune femme si déterminée. Francine est donc partie en Afrique…
Une bénévole hors pair
Elle y a travaillé comme bénévole durant une année entière : elle a soigné des lépreux, accouché de jeunes femmes, a même fait le plombier à l’occasion! À cette époque, le personnel soignant devait aussi se déplacer vers les familles malades. Et là-bas tu dois presque savoir tout faire. Les bonnes sœurs ont tellement aimé Francine. Durant son séjour, elle a eu la malaria cinq fois, ce qui fait qu’elle a dû revenir au Québec au bout de douze mois pour se faire soigner ici. Malade trop souvent, les sœurs préféraient qu’elle quitte. Et de retour chez nous, Francine s’est occupée de ma mère Françoise qui souffrait d’un cancer très avancé. Dévouée pour sa propre mère, Francine a poursuivi son désir d’aider. C’est tout à son honneur! Ma mère est décédée le 3 septembre 1965 à l’âge de 55 ans.
Un modèle
Francine fut un modèle pour toute sa famille! Et le Cardinal, qui est devenu presque un ami, a béni le mariage de ma sœur Francine, a visité ma mère lorsqu’elle était à l’hôpital et par la suite a demandé à mon père, Bernard, homme d’affaires, de l’aider à fonder Fame Pereo, qui veut dire « je meurs de faim », l’ancêtre des Œuvres du Cardinal Léger aujourd’hui appelées Missions Inclusions. Et j’ajoute ici que notre famille a été invitée à assister, en novembre 1991, aux funérailles du Cardinal Léger. Un événement empreint de respect et de bonté.
Grâce à ma sœur, qui a aujourd’hui 83 ans et qui habite aux États-Unis, je me souviendrai toujours de son dévouement pour ma mère et pour tous ces lépreux d’Afrique. Et comble de bonheur, son fils Benoit l’a un jour amenée en Afrique, dans la même léproserie du Malawi. Imaginez que c’est encore comme en 1964, la lèpre existe toujours et les malades ont appris à venir se faire soigner au dispensaire érigé dans le village.
Francine fut un exemple pour moi et bien d’autres. Elle est ma grande sœur… que j’aime de tout mon cœur!