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La chasse à l’orignal et ses orphelins selon Jacques Grand’Maison

Depuis une quinzaine d’années, je revois des chasseurs âgés. Nous parlons « de chaque côté des cléons des clôtures ». (Vigneault) de chasse et presque tous avouent tristement qu’ils ne chassent plus. Il faut savoir que l’orignal touché, rarement tombe au sol immédiatement. Il peut courir sur plusieurs kilomètres. Il faut de jeunes chasseurs pour le retrouver la journée même. Les vieux abandonnent ce sport ancestral pour jaser chez Tim.

 

Les boumeurs ont eu la chance d’être initiés par leurs parents, qui perpétuaient des traditions plus que centenaires apparues en Nouvelle-France. En France, seule l’aristocratie avait le droit de tuer du gibier. Au Québec, la chasse permettait aux habitants de manger de la viande pendant tout l’hiver et les soirs de tempête, après avoir bien festoyé, s’adonner à des exercices pour contribuer à la perpétuation de la race. Le nombre de chasseurs diminue. Un manque à gagner économique important avant l’hiver pour les régions éloignées. Comment l’expliquer ?

 

Je vous invite à lire et surtout méditer un de nos grands penseurs, que plusieurs théologiens présentent comme un prophète des temps modernes : Jacques Grand’Maison (1931-2016), prêtre et chanoine, auteur de plus de 50 livres qui font réfléchir. Il est né et a été élevé à Saint-Jérôme. Pendant plus de 60 ans, il a été disponible chaque jour de la semaine pour rencontrer des mourants à leur domicile et leur donner les derniers sacrements comme l’Extrême-onction ou les écouter raconter leurs mauvais coups avant de passer devant le Grand-Juge.

 

Il avait prophétisé la fin de la chasse à l’orignal dans ses écrits. Quel est son message ? Je le cite : « Dans cette nouvelle crise historique, il serait tragique que les retraités de plus en plus nombreux s’extraient de la société et de son avenir pour se replier sur leur vie privée. Disons les choses plus simplement : se pourrait-il que l’horizon symbolique de la retraite, conçue comme un heureux décrochage de la société, finisse par l’emporter sur le souci collectif, citoyen et politique, celui par exemple, de l’avenir de la jeune génération ? Il serait dommage que la cohorte des retraités âgés de 55 à 75 ans, en relative bonne santé, se comporte comme des rentiers décrochés de toute responsabilité sociale de citoyens. »

 

Le phénomène de la retraite dorée pour les fonctionnaires a été créé par la fameuse Liberté 55. Les religieux qui géraient nos hôpitaux, notre système social et nos institutions d’enseignement n’avaient pas de fonds de pension ni de salaires cohérents de par leurs vœux de pauvreté. Ils avaient la « vocation ». Les boumeurs les ont remplacés. Ils se sont préparés en jetant ce que Grand’Maison nommait « le bébé avec l’eau du bain », nos belles traditions. Selon lui, « les parvenus de la Révolution tranquille » ont éradiqué les belles valeurs catholiques ancestrales de transmission intergénérationnelle comme la chasse, l’entraide et la charité. La belle chanson québécoise très populaire Dégénération le démontre bien.

 

Aux célèbres « clauses orphelines », une patente corporatiste inventée par les grandes centrales syndicales pour pénaliser les nouveaux engagés et dénoncée par Grand’Maison, s’ajoute maintenant une autre expression : « les chasseurs orphelins »! Bref, c’est l’égoïsme des boumeurs qui explique la presque disparition de la chasse.

 

Plusieurs observateurs constatent que depuis la pandémie, le balancier qui oscillait vers les valeurs individuelles et les droits de l’individu depuis 60 ans, se prépare à repartir de l’autre côté. Souhaitons que le retour des valeurs ancestrales, qui ont guidé le Québec et assuré la survie de la civilisation française, incite une relève de chasseurs chez les jeunes « nés d’une race fière » selon le Ô, Canada!