Journaliste, animatrice et conférencière, Jocelyne Cazin, qui fut dans le monde télévisuel pendant de nombreuses années, nous fascine désormais en tant qu’autrice. Depuis le 26 septembre, Funestes Récoltes se retrouve en librairie. C’est un polar qui aborde de troublantes questions sociales et actuelles, tout en maintenant un rythme captivant pour le lecteur. Afin d’en apprendre un peu plus, j’ai eu le privilège de m’entretenir avec cette personnalité inspirante qu’est Jocelyne.
Lancement et discussion
Le 1er octobre avait lieu le lancement du deuxième thriller de Jocelyne Cazin, Funestes Récoltes publié chez Flammarion. En présence de son éditeur Erwan Leseul, plusieurs invités se sont réunis à la librairie Monet de Montréal afin de rencontrer Jocelyne et d’entendre un extrait de son dernier-né. L’action se déroule en Montérégie où un fermier engage deux détectives privés afin de retrouver cinq ouvriers temporaires disparus. L’enquête prendra un tournant inattendu quand les détectives découvriront un vaste réseau d’exploitation humaine, se cachant derrière la façade des fermes québécoises. Sous la plume de Jocelyne, on y découvre ce qui se trame autour des employés sans-papiers, des fermiers véreux ou des agences de placement illicites, etc. Cette envoûtante fiction croise une triste réalité qui nous amène à se questionner en tant que société.
M.T. Dites-moi, Jocelyne, avez-vous une discipline particulière?
J.C. Je me réveille vers six heures et après avoir pris deux cafés je vais faire quelques longueurs de piscine. Je m’installe ensuite devant mon ordinateur et j’écris sans réfléchir tel que me l’a suggéré mon éditeur. La correction se fait par la suite. Sans cette discipline, je n’aurais pas pu remettre mon manuscrit en mars dernier. Je devais remettre mon ouvrage chez Flammarion en 2025 et après discussion avec mon éditeur et étant donné que le sujet est trop actuel, nous avons conclu qu’il était impératif de le publier cette année. Alors, comme on dit, j’ai écrit à 200 milles à l’heure (rires). Je dois dire que j’ai un collaborateur en la personne de Bertrand Laverdure qui m’aide à structurer le tout. Cet écrivain et poète a de très nombreux livres à son actif. Il m’a également appuyé dans mon premier roman titré Pire que l’éternité et paru en 2022. En tant que journaliste, on n’écrit pas de la même façon qu’une écrivaine, alors son aide me fut très précieuse.
M.T. Et le sujet était un nouveau terrain à explorer…
J.C. Avec Funestes Récoltes je suis beaucoup plus sortie de ma zone de confort. Car le milieu de l’agriculture, les agences de placement illégales, le dark web (web clandestin), etc., je n’étais pas familière avec cela. La journaliste en moi a fait beaucoup de recherches afin d’aider la romancière que je suis devenue.
M.T. Est-ce qu’il y a une réflexion particulière que vous souhaitez transmettre au travers ce récit?
J.C. Absolument! Je souhaite que l’on arrête de traiter les humains comme du bétail. Dans mon histoire, c’est ce qui se passe. Les travailleurs temporaires étrangers ainsi que les migrants illégaux se retrouvent à travailler pour des entreprises, notamment des fermes et on ne respecte pas leur santé ni leur sécurité. Bien que cela existe vraiment, mon livre est une fiction réaliste.
M.T. Pourquoi avoir choisi la région de Saint-Valérien de Milton qui est située en Montérégie, comme lieu principal pour le dénouement de cette intrigue?
J.C. On choisit toujours des éléments qui nous habitent. Alors quand mes parents sont arrivés de la France en 1952, ils sont allés dans un centre d’emploi à Montréal. De-là on les a dirigés dans une ferme porcine à Saint-Valérien de Milton. Alors je me suis dit, voilà un beau lien, car c’est quand même une région agricole.
M.T. De quelle façon vous construisez vos personnages?
J.C. Cela vient de mon imaginaire et de recherches également et j’ai fait beaucoup de travail journalistique. Les deux premières personnes qui m’ont inspiré dans mon écriture c’est Karine Tremblay qui est une détective privée, elle m’a aidée à construire les personnages de Blaise et Victor, les détectives de mon histoire. Également Stéphane Gendron, l’ancien maire de Huntington qui habite près de la frontière américaine. J’ai passé une journée entière avec lui, il m’a montré des endroits où habitent des illégaux ainsi que des marécages dans lesquels on retrouve des cadavres, car ils se noient dans l’eau, etc. J’ai aussi travaillé avec un enquêteur des crimes majeurs à la SQ, de même qu’avec une ambulancière paramédicale. Ces personnes ont contribué à l’inspiration pour élaborer mes personnages. Mais souvent, les meilleures idées me viennent la nuit, alors j’enregistre ma pensée et le lendemain je vérifie si cela tient toujours la route.
M.T. Avez-vous parfois le syndrome de la page blanche et comment vous y remédiez?
J.C. Cela ne m’arrive pas souvent, mais dans ce cas-là je retourne à la piscine. Et aussi, je n’ai non pas un, mais plusieurs hamsters qui me trottent dans la tête (en riant).
Quelques questions en rafale pour Jocelyne
Ce qui vous charme?
La couleur dans les arbres, le soleil, le sourire d’un enfant.
Ce qui vous déplait?
L’hypocrisie, la bêtise humaine.
Votre auteur coup de cœur?
J’aime beaucoup l’inspirant Jean-Jacques Pelletier, auteur de polars.
De quoi êtes-vous la plus fière?
Même si j’ai souvent eu le syndrome de l’imposteur, je suis assez fière de mon parcours professionnel et des livres que j’ai écrits. Aussi d’être intellectuellement assez alerte, c’est une fierté.
Votre plus beau souvenir d’enfance?
Quand j’étais enfant, mes parents avaient un restaurant à Saint-Sauveur et le samedi, mon père allait faire des achats chez Presto, une épicerie pour les commerçants à Saint-Jérôme. Et tout près, il y avait un Dairy Queen et on y faisait un arrêt après nos courses. Ce moment-là avec mon père prenait tout son sens.
Nommez-moi une femme qui a stimulé l’humain en vous.
C’est Michèle Thibodeau-DeGuire, qui a été PDG de Centraide à Montréal dans les années 90, elle a aussi été la première femme ingénieure au Québec, et plus encore. C’était toute une femme!
Quelle est la plus belle qualité d’un journaliste?
La première qualité c’est la curiosité et la deuxième c’est le bon jugement.
Rencontrez Jocelyne
Je remercie Jocelyne pour ce bel échange empreint d’authenticité. Lors du Salon du livre de Montréal, qui se tiendra au Palais des Congrès, Jocelyne sera présente du 29 novembre au 1er décembre, pour présenter Funestes Récoltes et y rencontrer le public.