Canton de Kilkenny, un des chemins de notre peuplement
L’humble décor de la petite église champêtre St-John-the-Baptist-in-the-Wilderness et son cimetière adjacent, au croisé des chemins de la Chapelle et du Roi (actuellement chemin de la Carrière), témoignent de la vie des premiers colons, présents dès 1820 dans le secteur est de notre territoire hippolytois.
Il faut bien sûr imaginer un tout autre paysage autour de cette chapelle. Ici et là, sur les terres avoisinantes, de petites parcelles de « terres neuves » conquises à la forêt, entre les nombreuses roches, offrent de maigres récoltes au soleil. Ces parcelles sont pourtant les fruits de durs mois de défrichage, à la hache et au « godendard ». Elles sont encore parsemées çà et là, de souches noires, fumantes du « brûlis » qui procure la potasse précieuse à vendre au marchand général pour quelques pennies du roi, monnaie en vigueur à cette époque. Des clôtures « d’embarras », amas de branches et de pierres, forment frontières des rangs nouveaux, qui ne sont que sentiers cahoteux louvoyant entre de trop gros cailloux à déplacer. Des cabanes en bois rond et des bâtiments rudimentaires pour les animaux marquent la présence de familles écossaises et irlandaises, premiers migrants de ce coin de pays et qui ont pour nom : Ward, Allen, Quinn, Hamilton, Fraser, MacFadden, English, Taylor, Green, Dent, McGrath, Shutt, Beaton, Shram, Blair, Burton, Batley, Chapman, Cochren, Henderson et d’autres oubliés.

Tracé ancien de route, près d’un cours d’eau sur la carte d’arpentage de Bouchette, 1823, pour le canton de Kilkenny
Dès 1820
Ces premiers colons du canton de Kilkenny, issus d’un groupe de migrants arrivés à Québec en 1820, provenaient majoritairement de la région de Glasgow, en Angleterre. Ils avaient migré sous l’instigation de Roderick McKenzie, Écossais originaire de cette région d’Angleterre qui en 1817 est le nouveau seigneur de la Seigneurie de Terrebonne. McKenzie avait obtenu pour eux, du gouvernement de Londres, une assistance financière qui accordait, outre le passage gratuit en bateau, une terre de 100 acres (trois arpents sur trente) aux familles et aux fils de 21 ans et plus. On retrace ainsi dans les plans cadastraux anciens, des lots mitoyens accordés à plus d’un membre d’une même famille. Au premier recensement gouvernemental de 1825 de ce canton, on dénombre 300 individus qui semblent être répartis dans moins de 100 familles. Et selon une pétition de 1859, les deux tiers du territoire de Sainte-Sophie sont alors irlandais.
Rivières et bassins versants : passages naturels
Avant que les arpenteurs royaux (Écuyer 1803, Bouchette 1823 et Néré 1836) tracent sur ce territoire les limites arbitraires de ces lots, on peut facilement imaginer la présence des premiers migrants Weskarinis, membres des Premières Nations et prédécesseurs sur ce territoire. À leur exemple, les nouveaux colons ont adopté les rivières et leurs bassins versants en pente comme voies naturelles de déplacement et lieu de portage et d’établissement de leur résidence. Car les cours d’eau offrent plusieurs avantages : déplacement en terrain découvert sur des pistes naturellement empruntées par les gros mammifères, possibilité de s’abreuver et de se nourrir de poisson et de viande, celle des bêtes qui viennent s’y désaltérer. Ces tracés naturels de sentiers sont souvent devenus routes qui jouxtent encore certaines rivières, celles de l’Achigan, Jourdain et d’Abercrombie qui relient des lieux, faisant fi des limites des lots tracés.

Fête estivale annuelle 2018 de la communauté anglicane de St-John-the-Baptist-in-the-Wilderness, chemin de la ChapelleUne communauté vivante depuis près de 200 ans
Le dimanche 12 août, je me suis glissé, avec mes amis France Paradis et Gilles Marsolais, photographe, à la fête estivale annuelle de la communauté anglicane St-John-the-Baptist-in-the-Wilderness du canton de Kilkenny de Saint-Hippolyte. Ce rassemblement dominical fortifie les liens de cette communauté (l’une des plus anciennes de Saint-Hippolyte), depuis près de 200 ans
Ce grand « meeting », ouvert à l’accueil de l’autre et centré sur l’écoute et le partage de la parole de Dieu dépassait le simple rassemblement communal. Pour tous, il semblait être occasion de retrouvailles heureuses dans un esprit de fête et de joie. Mandoline, violon et guitare sèche rythmaient joyeusement les chants et faisaient battre les pieds de plus d’un dans leur enthousiasme à entonner en chœur la douzaine de chants choisis de ce rassemblement qui avait pour thème : Être imitateurs de Dieu et s’aimer les uns les autres.
Entraide des familles pionnières
À observer ce rassemblement et l’immense bonheur de festoyer autour de l’abondant repas partage qui s’en est suivi, il était facile de déceler l’esprit d’entraide et les liens très tangibles entre les descendants des familles pionnières de ce coin de notre municipalité. Nous avons été spectateurs, plus d’une fois, du plaisir qu’ils avaient à s’y retrouver, et de souvenirs fraternellement partagés de leurs passages de vie personnelle et communautaire vécus dans ce lieu; baptêmes, mariages et funérailles de leurs parents et de leurs ancêtres. C’est en visitant avec eux les pierres tombales du petit cimetière que chacun racontait les récits de vie, parfois héroïque, des pionniers qui y sont enterrés. À peu près tous sont les héritiers de sang et de cœur des ancêtres, Ward, Allen, Quinn, Hamilton, Fraser, MacFadden, English, Taylor, Green, Dent, McGrath, Shutt, Beaton, Shram, Blair, Burton, Batley, Chapman, Cochren, Henderson et d’autres, familles piliers de la vitalité de cette communauté, encore très vivante.